mardi 14 août 2018

Chat Ô Perché [1]


J'ai envie de vous raconter une histoire.

Il était une fois un Château Perché.  Not that so far ago. Un temps de bal masqué, d'ivresses musicales, et de transes collectives. Ce n'est pas mon histoire, c'est leur histoire. Leurs histoires.
Et je me propose de vous dire quelque mots sur cet éphémère composé de sons et lumières, d'énergies amoureuses et d'improbables rencontres.

Château Perché Festival 2018 - L'attrape Rave - (c) Timagin

Lorsque je suis arrivée sur le site, l'excitation du week-end commençait à se faire sentir. J'étais impatiente. J'avais fait une longue route avec Sabrina et Cécile, à discuter de costumes, de soirées parisiennes, de camping, d'équateur... tout en collant des plumes multicolores pour la mascarade du soir. Je savais que j'arrivais pour retrouver une ribambelle de connaissances, des amis rencontrés au fil de ma vie. Souvent en festival. 

Et le campement était là. Soudain, dans ses couleurs flamboyante, les tissus venus tout droit du Pater Noster, volant au vent. Temps de retrouvailles, temps de rencontre. C'est le tout début d'un long tourbillon intense. Ce n'est pas notre premier festival. On y sent le plaisir de recommencer, et toujours d'aller plus loin. Nous sommes ensembles, et créatifs. Les fanions s'agitent, les tentes forment un grand cercle inclusif, et déjà le son commence à vibrer. 

Il est tôt mais déjà le temps est déformé. J'ai oublié de déjeuner, alors déjà, c'est l'heure de dîner. On découpe les petits légumes, c'est l'atelier cuisine pour s'assurer de tenir jusqu'au bout de la nuit. Couper les poivrons, le concombre, les tomates, la fêta avec mon petit couteau en plastique rose. Et ces lentilles que j'ai fait cuire la veille, que j'ai oublié et dont je suis très fière de ce parfum "fumé" que je fais goûter à tout le monde. Le repas est prêt !

Le désordre a commencé. Les souvenirs se mélangent. C'est l'euphorie qui l'emporte. Cet euphorie qui nous a séduite, celle que je recherche quand je viens faire la fête. Mon euphorie à moi. Bio, comme dirait Clovis. Sans alcool et sans drogue, composée de mes rencontres, de la musique, et de la danse. 
Et pour commencer ce chemin sur-réaliste, la première étape est celle du déguisement. Devenir soi-même ou bien devenir quelqu'un d'autre ? Je ne sais pas. Je me transforme et je suis. 

J'enfile cette jolie robe trouvée en friperies, j'invente un chapeau avec le mandala en crochet de Emily et quelques lights trouvées à la dernière minute jeudi viennent illuminer cette joie qui déjà en moi rayonne. Et l'impatience s'efface pour laisser place au maquillage. J'aime me pencher sur ces visages, les lire, les colorer, les soutenir, les révéler. Je me laisse dériver dans les lignes, continuité, discontinuités, motifs et évocation. 

Château Perché Festival 2018 - Le bout du canal - (c) Thibault Konen

Dans le soleil caressant, nous avons entamé l'exploration de ce site exceptionnel. Patrimoine de notre Histoire, le château d'Avrilly est aussi un espace incroyable de nature dans lequel se sont déployés des scénographies toutes plus féeriques les uns que les autres. Onze scènes se cachent dans le parc et j'ai mis trois jours à les découvrir. 

La première découverte a été le bout du canal qui ouvrait sur cette perspective incroyable sur le château, reflet dans l'eau et grands totems. Pas de doute, le Château Perché est un festival techno. L'allée principale nous fait traverser la Plaine et déboucher sur un espace un peu plus intime où il est l'heure de se laisser emporter dans les premiers pas de danse. Je vois des sourires. Et je me sens bien. La fête a commencé.

La déambulation aussi. Le festival est grand, très grand. Et nous sommes nombreux. Beaucoup plus que ce que j'avais imaginé ! C'est étourdissant. Et chaque pas apporte une surprise sensoriel : des projections sur la façade du château, une balançoire de métal, un cheval de fer, des guirlandes de bonbons, un ciel de parapluie... 

Nous voici au Carré des Platanes, près duquel se trouve un des rares points d'eau. Avec l'équipe du Pater, on prends des photos, on se murmure des ébahissements, on cherche et on trouve mille nouvelles idées. La décoration est inspirante. Autour de nous, on se retourne aussi. Chaque déguisement est un délice. L'occasion de compliments. 

A quel point cet éphémère beauté de la foule est-elle un témoignage d'humanité ? 
C'est une des premières choses que nous nous sommes dit en arrivant avec Sabrina et Cécile. Les gens sont beaux. Et si perchés soient-ils, les gens m'ont paru beaux et sincères du début à la fin dans leur tourbillon et parfois leur perte. 

Château Perché Festival 2018 - Château d'Avrilly - Trévol - (c) Thibault Konen

Les chemins se perdent et se retrouvent. C'est à chaque fois une joie de retrouver un visage connu. On se presse les uns contre les autres, on se sourit et on partage avec intensité l'instant présent. 

Nous voilà sur la Plaine à admirer le dôme. La bulle. Avec Zoé, on observe la structure fine et stable. On se questionne sur le montage. On aime aussi les coulisses de la fête, on est curieuse. De toute cette énergie déployée pour ce moment précis qui nous attire comme des papillons à la lumière. Et là, un nouveau visage connu. Je saute dans les bras de Florent. Un tutu et un grand cœur. Je le connais peu, mais je connais sa bienveillance. Je croise Anna dans un éclair. 

La curiosité nous emmène un peu plus loin. C'est la main stage et l'explosion grandiose de la mise en scène. Arnaud me dit : l'année prochaine on aura un responsable mapping au Pater ! C'est vrai qu'il est si facile de se faire hypnotiser par ces yeux de paons qui envahissent la charpente du bâtiment et tournoient dans les airs dans des mandalas infinis. 

Il fait nuit et les lights se sont allumées petits à petits. Elles ne sont pas partout mais elles sont nombreuses, sorte de farfadet disparaissant avec notre raison. Les miennes s'accrochent à mes voisins. Quand je danse, elles tintinnabulent. Mais j'ai du mal à trouver un endroit où me poser. Je ne sais pas si c'est l'excitation, l'envie de tout découvrir qui nous donne ainsi la bougeotte. Mais nous ne restons pas longtemps et d'une scène à l'autre, les sons s'enchaînent dans une techno toujours plus intense. 

Nous découvrons l'attrape-rave. On tourne un peu en rond. On nous conseille une scène un peu caché, tout derrière la main stage. Il faut passer le Hall de Gare, et contourné le bâtiment et nous trouverons le Namaste Bazar. Je me souviens de cette quête improbable mais je ne me souviens pas de mes compagnons d'aventure. J'étais avec Paul-Sinh et Antoine je crois. C'est fou ce que ma mémoire ne s'accroche pas à ces détails. 
Château Perché Festival 2018 - Château d'Avrilly - Trévol - (c) Romane Kelecsenyi

Et nous avons finalement trouvé cet éden du festival : la serre chill du Camion Bazar où les gens dansaient le plus souvent assis, où on écoutait du Pink Floyd ou The Sound of Silence de Simon & Garfunkel. J'y suis resté jusque la fin pour ce premier soir. Bercée par une musique enivrante. J'ai retrouvé des visages, des sourires. Adi était là par exemple. Perdu et retrouvé. 

Et comme si le petit Poucet avait semé ses galets, tous les papillons se sont retrouvés. Claire me le dit, et je le sens : je suis rayonnante. Et dans mes rayons, je capte l'énergie des autres, celles qu'ils me donnent, me partage. Un baiser, une main qui se glisse dans la mienne. Zoé est emportée dans cette vague. Je peux sentir les émotions battre au bout des doigts, au bout des lèvres, dans le regard de tous. 

Et tant de regards, tant de visages me semblent familiers. Le camion bazar et son public sont devenus une petite famille. Ils sont là, présents, rassurants, enivrants. Il y a Bébère. Il y a Valentin. Il y a Rémy. Il y a Cécile. Et je rencontre Maverick. Déjà vus à la Coucool, aux Alterpaname ou bien au Karnasouk. Je ne sais plus. Nous aimons la fête et nous l'aimons autrement. 

François m'invite à danser et la danse m'emporte encore une fois. Puis je retourne tourbillonner plus en douceur entre les bras de ma sœur et de cet inconnu déjà connu. On se raconte nos vies. C'est la magie du chill. Nous sommes sincèrement curieux. On parle cinéma. Jurassic parc : vraiment ? Je n'ai malheureusement pas retenu le nom du film russe sur les souvenirs... Moi je te parle de Métamorphoses, incapable de retrouver le nom de Christophe Honoré. 

Zoé est amoureuse. Elle l'écrit. Et me le montre. Amoureuse, si belle. Delphine a envie de bouger. Maverick nous donne son prénom. Et son histoire. De câlins en baiser, il n'y a qu'un pas quand on se sent si bien. Ma sobriété n'a rien à voir avec mon ivresse émotionnelle. Je suis noyée. Je suis heureuse. Je suis sincère. Je suis confiante. Polyamoureuse.

Château Perché Festival 2018 - Au croisement des chemins - (c) Martin Dls

Il fait froid à cinq heure du matin en Auvergne. C'est pourtant la fin du Namaste Bazar. Et la déambulation recommence. Cette fois, je tourbillone à deux. J'ai envie de faire connaissance. Encore un peu. De la main stage, en passant par le théâtre magique et le carré des Platanes, nous cherchons la chaleur de la foule. La chaleur de l'autre. 

Zoé m'appelle à l'aide. Perdue. Je la trouve, retrouvée, avec Arnaud. Près du dôme. Ils retournent à la main stage mais j'ai envie de continuer de me perdre. Il fait nuit, il fait froid. Je ne suis plus sous le joug de la fascination de l'ivresse collective. J'ai envie de son attention, j'ai envie de ses lèvres, j'ai envie de son désir. Et je retrouve ma passivité innocente, je glisse ma main dans la sienne. Solution de facilité pour trouver mon chemin. 

J'ai été étourdie. La nuit a filé. Je me suis perdue et retrouvée. Comme chacun. 
Je suis sobre et ivre. Je suis là, présente et éphémère version de moi-même. Intense et sincère. 
Curieuse de ce qu'il adviendra, le premier chapitre se termine sur une note mitigée où je sais bien que je ne peux malheureusement pas lâcher prise indéfiniment et que la réalité me rattrapera. Et pourtant, j'ai déjà hâte d'être au lendemain. 

Et c'est ainsi, que je me couche. Étourdie d'intensité, partagée entre rêves et réalité merveilleuse.

[...] Suite au prochain chapitre.



Aucun commentaire: